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       Un vagabond erre dans un centre commercial lorsqu’il remarque deux femmes paraissant le dénigrer. L’une d’elle tombe alors au sol, victime d’un malaise, et le marginal souffrant d’un mal de tête s’enfuit dans les couloirs de la galerie marchande. Deux énigmatiques témoins se lancent à sa poursuite et le neutralisent à l’aide de pistolets à fléchettes soporifiques. Dans le même temps, l'organisation secrète du gouvernement (CONSEC) invite à un congrès un nombre restreint de V.I.P. triés sur le volet afin de présenter lors d’une expérience de « scanning » un être au pouvoirs télépathiques prodigieux (un scanner). Mais contre toute attente, l’expérience se révèle être un fiasco, le scanner explose, victime d’un autre rival présent sous une fausse identité et aux facultés bien plus performantes. Une organisation concurrente regroupant des scanners hostiles à la démocratie essaie de désorganiser le CONSEC afin d’instaurer un état totalitaire où les télépathes en seraient les dirigeants. Pour contrer leurs ennemis, le CONSEC n’a qu’une solution : trouver un super-scanner qui infiltrerait le groupe adverse et le détruirait de l’intérieur. Or il semblerait que le sans-abri possède toutes les capacités idéales pour mener à bien cette opération.

 

    Manichéen à souhait, « Scanners » repose sur la dualité du bien contre le mal. D’un côté le « bon » scanner et de l'autre, une horde de scanners manipulés qui n’ont d’autres choix sinon la vie ou la mort que de se soumettre à gré ou contre gré aux désirs paranoïaques d’un télépathe super puissant désirant dominer le monde. L'accumulation d'une forme de rejet à l’encontre des scanners (ils sont incompris par l’ensemble des humains car ce sont des mutants) en a fait des êtres isolés (témoin le clochard qui deviendra le héros) et a engendré ce désir despotique chez l’un d’eux. On peut y voir une certaine forme de racisme, car quiconque n’est pas dans le moule de la société en est finalement exclu. La révolte des méchants scanners peut alors sembler presque légitime face à la civilisation faisant preuve d’incompréhension et de peur à leur égard. Le thème de la puissance de l’esprit sur le corps, sujet cher à Cronenberg, est une nouvelle fois abordé et l’auteur propose dès lors un film personnel, qui porte admirablement sa griffe. Il échappe ainsi aux préceptes hollywoodiens imposés à l’époque pour produire une œuvre intègre et singulière, ce qui n’empêchera nullement « Scanners » de devenir un film commercial. Cette forme de « commercialisation » involontaire surement se remarque également avec la poursuite de voitures, typiquement dans le style américain. A savoir d’ailleurs que le film n’a faillit pas voir le jour car deux personnes sont décédées lors des premières prises du tournage de la poursuite.

                                 

 Deux superbes affiches totalement différentes pour le même film

    Comme dans tous les films ou presque de Cronenberg, « Scanners » propose son lot d’horreurs biologiques. Le leitmotiv de la mutation se présente d’une manière toutefois invisible au premier abord. Les scanners se fondent dans la masse et rien physiquement ne permet de les distinguer des humains, si ce n’est un comportement introverti du à la forme d’exclusion dont ils sont victimes car ils font peur. Leur mutation provient en fait d’un médicament administré dans les années 60 à un petit groupe de femmes enceintes et destiné à soulager leur grossesse. Les effets secondaires inconnus à l’époque de ce remède permettent aux 237 enfants nés de contrôler mentalement les autres individus. Les attaques entre scanners sont dès lors puissamment orchestrés et c’est un flot d’hémoglobine qui jaillit. Têtes qui explosent, individus prenant feu, projection des corps dans des murs… Le combat final sera d’ailleurs l’apothéose de ces conflits. Avec une surprise de  taille et très originale en guise de conclusion. Le film ne décevra donc pas.

Combat final

    Autre superbe idée de Cronenberg : une bataille entre le héros et un ordinateur qui essaie de verrouiller ses mémoires. Le scanner va tenter de s’introduire dans la mémoire d’un ordinateur pour récupérer des informations via une simple cabine téléphonique. Les fils téléphoniques vont brûler, une station service exploser… Ici le concept du réalisateur prend toute sa dimension et on reverra dans nombreux autres films la fusion du corps,  de l’esprit et de la machine.  La force de ce film provient du fait de son âge qui le place à une date extrêmement avancée tout en gardant son contexte de l’époque. Il n’est en aucun cas démodé et même plutôt très en avance sur son temps à la manière de « Videodrome ». La plupart des films de Cronenberg sont toujours d’actualité et même précurseurs, avec des thèmes très originaux (« eXistenZ» et la réalité virtuelle, « La Mouche », « Rage » et « Frissons » et leur parabole sur l'épidemie, « Chromosome 3 » et la manipulation génétique, voire « Faux-Semblants » et le clonage, l'identité double parfaite).

Explosion de la station service

       Quand aux acteurs, ceux-ci sont inexpressifs à souhait, comme d’habitude dans un film de Cronenberg mais paradoxalement cela en renforce l’impact qui rend cet aspect froid et austère si cher au réalisateur. Le film baigne dans des teintes grises et pluvieuses. Même d'ailleurs Patrick Mc Goohan, (« Le Prisonnier » n°6 ou le directeur de la prison dans «L’Evadé d’Alcatrazz » avec Clint  Eastwood) adopte le style glacial dans son personnage. Le plus vivant des acteurs est sans conteste Michael Ironside, très animé et excité dans son rôle de dément. Il vole la vedette facilement aux autres principaux acteurs. Etrange d’ailleurs que son nom ne figure même pas sur la jaquette du dvd. L’affiche du film est quand à elle superbe, puissante et indique tout à fait le style auquel il faut s’attendre. Elle représente le combat final entre « le méchant et le gentil » et n’a d’ailleurs été que très peu modifiée au fil des différentes éditions. C’est un must en matière d’affiches de cinéma. La musique est signée Howard Shore dont c’est la première collaboration avec Cronenberg. Ce dernier fera d'ailleurs appel à ce compositeur pour tous les films suivants dont la musique se marie parfaitement aux scènes glaciales et sombres. Howard Shore donnera une dimension tout à fait intense et nouvelle en se dégageant totalement des hits actuels recollés sur des blockbusters, et la musique semble également intemporelle, intégrant avec une homogénéité totale les films du cinéaste. Cronenberg insistera également pour que Shore s’imprègne des scénarii dont il sera pour la plupart du temps le premier lecteur et à chaque stade du développement du film, une interaction entre les deux hommes s’effectuera avant même l’existence des premiers bouts de pellicules. Shore intervient alors de manière très professionnelle en se projetant dans le monde de Cronenberg et en ayant un œil très avisé dès les premiers bouts de rushs.

 

 

Autre affiche du film en cassette vidéo

    « Scanners » fait actuellement l’objet d’un remake U.S. dont les premiers bouts de la pellicule ont été tournés en 2002. Il a aussi bénéficié de suites, sans réel intérêt (« Scanners 2 », « Scanners 3 ») et de deux séquelles (« Scanner Cop » et « Scanner Cop 2 »). En 1980, « Scanners » était  premier au box-office Amérique du Nord.