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Pendant la visite d’un couple dans un immeuble luxueux et moderne, un sexagénaire agresse dans l’un des appartements une jeune fille qui se défend curieusement de manière très molle. Il l’étrangle, entreprend de l’autopsier, verse un produit dans son ventre, puis se suicide ensuite. Tardieux, un homme malade sujet à de violents maux de ventre, remarque les corps en se rendant à l’appartement mais s’enfuit aussitôt. C’est finalement le docteur Saint-Luc qui prévient la police après la découverte des cadavres. L’assassin, qui est en fait un médecin de renom (le docteur Hobbes), avait prévenu son confrère d’une recherche importante et tenait à le rencontrer pour lui faire part de ses observations. Saint-Luc fait alors la connaissance d’un autre médecin qui travaillait avec le docteur Hobbes. Ils comprennent que Hobbes se servait de la jeune fille comme cobaye après lui avoir injecté un parasite censé décupler ses instincts sexuels. Or elle semble avoir infecté quelques hommes de l’immeuble. Saint-Luc ne tarde pas à comprendre qu’il va devoir faire face à une épidémie totalement incroyable. Les malades ont une sexualité exacerbée et deviennent violents en agressant les habitants de la tour qu’ils contaminent. L’immeuble est alors coupé du monde, les portes fermées. Isolés, Saint-Luc et son assistante doivent faire face à une horde d’affamés sexuels toujours plus nombreux, et essaient de s’échapper de la résidence.

 

    Premier « grand film » de Cronenberg, « Frissons » (ou encore « Shivers » ou « Parasite Murders » ou « They Came From Within » - 4 titres pour le même film ! ) malgré un côté kitch révélé par les décors des années 70 se veut résolument moderne par son sujet et ses propos sont on ne peut plus d’actualité. Cronenberg a d’ailleurs toujours su admirablement adapter des thèmes intemporels à ses films bien souvent totalement imprévisibles et originaux.

    Prophétie annonciatrice de la maladie du SIDA (le film date de 1974), l’épidémie de violence sexuelle peut se  transmettre par un simple baiser, un parasite s’infiltrant alors par tous les orifices naturels de l’homme.

Un parasite s'infiltrant par la bouche

    Bien que le film soit devenu un succès commercial mais malgré tout faisant preuve de discrétion face au grand public, il fut largement désapprouvé par la critique conservatrice. Les parasites ressemblant à des limaces-pénis et les représentations sexuelles excessives (on y voit ainsi un couple d’hommes, de femmes, une homme avec une femme et une petite fille, un vieillard avec sa jeune fille, deux jeunes sœurs jumelles tenues en laisse…) choquèrent mais le style Cronenberg prenait tout son essor. Les scènes d’inceste, pédophiles, homosexuelles, d’orgies, d’hystérie sexuelle frappent évidemment les esprits, même si elles ne sont pas concrètes visuellement mais pour la plupart suggérées. Huis-clos dans une prison de verre, à la manière de « La Nuit des Morts-Vivants » (où l’on peut voir un léger parallèle entre les dépravés sexuels et les zombies, notamment dans la scène de la piscine), la maladie gagne du terrain très rapidement et infecte les plus honnêtes des habitants de l’immeuble sans aucune distinction. L’aspect dérangeant vient de cette affection qui transforme les corps physiquement (les parasites se déplacent dans l’organisme et on les voit très bien évoluer sous la peau), des viols (notamment celui de la femme dans son bain par le parasite, mais aussi d’un homme robuste violenté par une femme âgée, laide et grosse), et des mélanges de couples malades totalement incohérents d’un point de vue de la « norme » (vieillard avec jeune, adulte avec enfant…). Il faut aussi se placer d’un point de vue « canadien » puisque le film vient de ce pays où les interdictions sont bien plus importantes que dans les pays latins, puritanisme oblige. Le cinéma de Cronenberg s'est développé à Toronto, ville particulièrement évangéliste. N’oublions pas qu’en Amérique, les interdits qui nous paraissent surprenants sont légion, comme la cigarette ou l’alcool dont la consommation se trouve extrêmement réglementée. On remarquera même dans ce film l’actrice Barbara Steele le verre à la main bien souvent, dont on devine l’alcoolisme sous-jacent (le nombre de bouteilles posées sur une étagère dans son appartement impressionne !).

Un couple insolite

    Normal donc que les journalistes aient été heurtés par le missile que représente ce film tant il casse les tableaux schématiques et bien pensants de la société canadienne. Même si certains analystes du 7ème art furent séduits par le cinéaste, les opinions traditionalistes bouleversées ne l’encensèrent certes pas. Toutes les inhibitions abandonnées provoquent également un autre malaise : les habitants de l’immeuble ne se font en fait pas de mal une fois atteints. Et Cronenberg trouble une nouvelle fois car on ne peut s’empêcher de penser que l’horreur finalement devient agréable ! Est-ce implicitement un appel à la libération sexuelle ?

Une vieille femme attaquant sauvagement un homme pour le violer !

 

Séquence "frissons" avec la scène du bain et de la limace violeuse

 

    Si l’on s’attarde également sur le personnage principal, on constate qu’il se trouve être l’un des êtres des plus agressifs, pas forcément sympathique, et qui résiste aux tentatives de séduction de son infirmière (tentative de séduction tout à fait honorable et non pas conduite sous l’effet de l’envie sexuelle paroxystique) soit un individu abrupt. Or c’est lui qui tuera avec force et violence, bien entendu en légitime défense, mais sans aucun état d'âme. Personnage très intéressant finalement car dénué d’héroïsme véritable, combattant uniquement pour sa survie… sexuelle. Et évidemment son libre-arbitre.

Le héros, dépassé par les évênements

    Petite incohérence toutefois : l’un des principaux protagonistes se trouve très malade, luttant contre le parasite pendant longtemps (Tardieux), tandis que pour d’autres l’effet est immédiat, ils deviennent insatiables de suite.

    Enfin, l’image sur le dvd est irréprochable compte tenu de l'ancienneté du film et bonne nouvelle, le son d’origine (mono) a été conservé. Du pur underground pour un film qui ne mérite pas une appellation mineure (dans le sens péjoratif du terme).

    Cronenberg se révèle être un cinéaste provocant. Mais très intelligent. Passionnant.