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          Victime d’un très grave accident de circulation, John Smith, jeune professeur de littérature dans un lycée, plonge dans un coma végétatif pendant 5 longues années. A son réveil, tout à changé… Son corps le meurtrit, sa petite amie s'est mariée à un autre homme, mais surtout il s'aperçoit qu’il possède un don extraordinaire. En effet, dès qu’il touche quelqu’un, il perçoit le passé et l’avenir de cette personne. Devenu malgré lui phénomène de foire, il décide de s’isoler car ses prémonitions n’ont rien d’agréable. Pourtant, un officier de police d’une petite bourgade enquêtant sur une série de meurtres en série le persuade de l’aider. John Smith découvre peu à peu l’étendue de son nouveau pouvoir et de ses possibilités insoupçonnées.

          Tiré d’un roman de Sephen King (« Dead Zone » également paru sous le titre « L’Accident »), le film le plus émouvant de David Cronenberg se révèle être un petit bijou exceptionnel du film fantastique. Sans déroger à ce qui caractérise ses précédents films (c’est à dire une atmosphère froide appuyée par une musique très neutre), Cronenberg adapte brillamment l’œuvre de l’écrivain, en faisant un condensé on ne peut plus honnête du pavé de l’auteur. L’ensemble respecte tout à fait l’esprit et l’histoire du créateur. La musique n'est pas signée Howard Shore contrairement à la majorité des films de Cronenberg mais reste tout à fait dans l'esprit : mélancolique et sombre, elle fait ressortir le climat tragique, la rupture des deux êtres qui s'aiment et parfois elle terrifie, notamment lors des sursauts de cordes aigües et stridents pendant la vision de John et de l'enfant qui se noie sous la glace.

Un homme blessé et meurtri dans sa chair qui a perdu la femme qu'il aimait... Mais l'amour demeure...

          Là où d’ailleurs le récit aurait pu se figer, c’est-à-dire juste se concentrer sur le phénomène des prémonitions, Stephen King a poussé à son maximum l'histoire. En effet, on suit attentivement la vie de John Smith qui ne cesse de rebondir. Il découvre tout d’abord son pouvoir, parallèlement sa vie sentimentale et professionnelle se retrouvent bouleversées, mais surtout il remarque qu’il peut modifier le futur. Ainsi après avoir aidé la police à rechercher un assassin grâce à des visions passées, il sauvera un enfant en l’empêchant de rencontrer son destin car il aura eu la vision future de sa mort. Dès lors, l’aspect le plus intéressant de l’œuvre est mis en avant, à savoir que si l’on détenait les clés de l’avenir,  l'utilisation que nous en ferions. Et lorsque Johnny touche le futur président des Etats-Unis, et qu’il s’aperçoit que dans un accès de folie celui-ci provoquera une apocalypse, la confrontation avec sa destinée est inéluctable : que va faire John Smith, un inconnu dans la foule (d’ailleurs son nom est une métaphore de l'anonyme, à la manière de John Nada dans « Invasion Los Angeles ») pour sauver son pays ? A noter que Cronenberg n’aurait jamais appelé le héros « John Smith » mais qu’il a gardé ce nom pour être le plus proche de l’œuvre de Stephen King.

Une incroyable scène : Le Président des USA à gauche donnant l'ordre au Général d'appuyer sur le bouton qui déclenchera le lancement de missiles nucléaires... Une vision future de John Smith qui n'est pas présent à ce moment contrairement aux autres pressentiments. Cela signifie-t-il qu'il n'est plus de ce monde ?

          Véritable peau de chagrin à la manière du héros de Balzac, le pouvoir de John l’amenuise au fur et à mesure qu’il s’en sert, jusqu’à la confrontation finale. Cronenberg n’a pas accentué son film vers des mutations biologiques auxquelles nous étions habitués mais son « Dead Zone » s’inscrit tout à fait dans la logique de ses œuvres. Ici les traces dans la chair sont invisibles mais profondes dans l’âme. L’action intemporelle permet à la fin d’être quasi contemporaine de notre époque actuelle. Les effets spéciaux sont en quantité très réduite mais les scènes de vision notamment la chute des joueurs de hockey à travers la glace d’un étang gelé et la scène dans le kiosque où Johnny n’est qu’un spectateur impuissant sont saisissantes.

 

Une autre scène des visions... John touche un enfant et se retrouve sous l'eau d'un lac avec le jeune homme qui se noie lors d'une partie de hockey sur glace.

          Cronenberg, lors de la réalisation de ce film, à la question qui lui était posé, à savoir s’il pensait que le film serait un succès répondait ceci : « Pour moi l´origine du succès d´un film est un mystère complet. Il y a une chose dont je suis certain, c´est qu´on ne peut pas voir ce film et ne pas l´aimer. Il est puissant, original et, à la fois, très accessible. Mais le succès, c´est un peu le hasard... cela échappe à votre contrôle ! ». « Dead Zone » est un film que l’on peut accueillir sans appréhension, et qu’évidemment on aimera. Ce qui est chose rare pour les films du cinéaste, pas forcément d’accès facile.

          "Je pense que Cronenberg a réussi là l'un des meilleurs films de sa carrière, et il s'inscrit loin de ces réalisateurs froids et techniques qui sévissent aujourd'hui. Et puis il a obtenu de fantastiques performances de ses acteurs. En revanche, le roman était fertile en incidents, couvrait un important laps de temps, les personnages évoluaient selon les événements... Je sais bien qu'au cinéma, il faut nécessairement faire les coupures qui permettront un suivi plus efficace de l'interaction entre les divers personnages. Le film avait effectivement cette richesse, mais à un niveau moindre du roman." Stephen King

          Dead Zone est devenue maintenant une série télé très populaire.